Au début des années cinquante, la France considère l’Algérie, département français depuis 1848, comme faisant partie intégrante de son territoire. Pourtant la population musulmane a de plus en plus de mal à supporter l’inégalité de la société algérienne, dans laquelle elle se retrouve sous-représentée politiquement et opprimés par un système économique qui ne profite qu’aux colons.

            Des nationalistes, regroupés dans le Front National de Libération (FNL), passent à l’offensive à l’automne 1954. Au cours de la « Toussaint Rouge », dans la nuit 31 octobre au 1er novembre, plusieurs attentats sont perpétrés dans une trentaine de points du pays. Ces attentats marquent le début de ce que les autorités françaises et les médias appellent alors les « événements » d’Algérie. C’est en fait la guerre d’Algérie qui commence.

            La Toussaint rouge est le nom donné en France, en référence à la guerre d'Algérie, à la journée du 1er novembre 1954, durant laquelle le Front de libération nationale (FLN) manifeste pour la première fois son existence en commettant une série d'attentats en plusieurs endroits du territoire algérien. Cette journée est rétrospectivement considérée comme le début la guerre d'Algérie (1954-1962) et elle est devenue une fête nationale en Algérie .

            La formule se réfère à la Toussaint (littéralement : fête de tous les saints), dont la date est le 1ernovembre, à laquelle une signification funèbre est souvent attribuée par confusion avec le Jour des morts (2 novembre).

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En définitive, les attentats de la «Toussaint rouge» ont très peu de retentissement dans l'opinion française et la presse métropolitaine en fait à peine écho. Ils n'en marquent pas moins le début de la guerre d'Algérie, huit années de tourments qui ont marqué durablement les esprits et les cœurs des deux côtés de la Méditerranée.

Monnerot

Ils ont tué Guy Monnerot et Hadj Saddok !

            Le 1er novembre 1954, vers 9 heures du matin, le car Citroën qui assure la liaison Biskra-Arris-Batna arrive à hauteur des gorges de Thigamène, dans la région de M’Chouchène (Aurès). A bord, des paysans, le caïd de M’Chouchène, Hadj Saddok dans son burnous rouge et un couple de tout jeunes mariés métropolitains, Guy et Jeanine Monnerot. Il a 23 ans. Elle en a 21. Ils rejoignent l’école primaire de Tiffenel (arrondissement de Batna), à 160 km au sud de Constantine, où ils ont été nommés.

Toussaint rouge

            La veille, le couple a séjourné à Arris, chez un autre couple d’instituteurs, les Cadène. A hauteur de la borne qui indique : « N 31. Arris : 18 km. Batna : 79 km », un barrage. Il est 10 heures. Des hommes armés se réclamant du FLN (créé le 23 octobre 1954) ordonnent à tous les passagers de descendre. « Je suis capitaine de l’armée française », leur dit Hadj Saddok. « Nous sommes instituteurs », disent les Monnerot. C’est, ainsi résumé, les raisons pour lesquelles ils vont mourir (1). Ils symbolisent l’Algérie française. Ils sont la France.

            Une première rafale. Hadj Saddok s’écroule. Une seconde rafale. Guy Monnerot est frappé à mort, Jeanine est touchée à la cuisse. Les terroristes commandent au car de repartir. Avec à bord le corps de Hadj Saddok. Les Monnerot gisent au bord du ravin. Avant de s’enfuir, un fellagha tente d’achever la jeune femme. La balle va se ficher à quelques centimètres de sa nuque.

            Jeanine Monnerot sera secourue vers midi. A Arris, un jeune infirmier para, qui a interrompu ses études pour servir en Algérie, lui donne les premiers soins avant de l’évacuer par hélicoptère vers Batna. Elle a 21 ans. Elle est veuve. Elle ne se remettra jamais de ce drame. Elle est morte, à l’âge de 61 ans, le 11 novembre 1994 – autre date anniversaire – à Ollioules dans le Var.

            Hadj Saddok était un héros. En 1945, sous-officier de l’armée française, il sert dans une unité de tirailleurs stationnée en Tunisie, à proximité des Aurès-Nemencha. Quand, le 8 mai 1945, éclate l’insurrection à Sétif et dans ses environs, Saddok, qui est un Chaouïa, persuade la population chaouïa de ne pas se commettre avec les émeutiers. Avec succès.

            Il ne fait donc aucun doute que c’est ès qualité, comme les deux instituteurs, qu’il a été visé. Les tueurs FLN avaient reçu l’ordre de Mostefa ben Boulaïd, représentant du CRUA (Comité révolutionnaire pour l’unité d’action, devenu FLN une semaine plus tôt) d’abattre cet homme qui, avant d’être abattu – on le sait par le témoignage de Jeanine Monnerot – avait fait un rempart de son corps aux deux jeunes gens (2).

            Il est sanguinairement révélateur que le gouvernement FLN d’après l’indépendance ait élevé une stèle à la gloire des tueurs et de leur chef, Chihani Bachir, sur les lieux mêmes du massacre. La stèle, non matérialisée, que nous avons, nous, dans le cœur, c’est la mémoire de Hadj Saddok tué d’une rafale de Sten. Tué parce que, comme une majorité de Français musulmans par la suite, il se serait dressé face aux mots d’ordre lancés – déjà – par les radios arabo-islamistes de l’époque : « Tuez-les tous ! Notre civilisation, c’est le Coran, pas celle de ces chiens de roumis ! »

            « Chiens de roumis »… C’est, à la nuance près : « Chiens de chrétiens », ce que disent les islamo-terroristes aujourd’hui. Les métropolitains, qui ont applaudi naguère au bradage de l’Algérie française, commencent à le vérifier in situ.

(1) Le même jour, un garde-champêtre kabyle, un fermier de Mostaganem, un lieutenant et un spahi musulman à Kenchela seront tués.

(2) « Laissez ces jeunes gens tranquilles, ils sont venus de France pour instruire nos gosses. »

ALAIN SANDERS

Article extrait de "Présent" n° 8219 du Mardi 28 octobre 2014

Mémoire ..................... ne nous abandonne pas (Régis guillem octobre 2014)

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