• Hocine Aït Ahmed et Jean-Jacques Susini, deux Algériens d'exception…

    Hocine Aït Ahmed et Jean-Jacques Susini, deux Algériens d'exception…

     « On ne peut pas résoudre un problème avec le même mode de pensée que celui qui l’a généré »Albert Einstein
     
    Hocine Aït Ahmed
    « L'exode des Pieds-Noirs est une tragédie humaine… une faute terrible pour l'avenir politique, économique, et même culturel, car notre chère patrie a perdu son identité sociale… Les religions, les cultures juive et chrétienne se trouvaient en Afrique du Nord bien avant les arabo-musulmans, eux aussi colonisateurs, aujourd’hui hégémoniques. Avec les Européens et leur dynamisme - je dis bien les Pieds-Noirs et non les Français - l’Algérie serait aujourd’hui une grande puissance africaine, méditerranéenne. Hélas ! Je reconnais que nous avons commis des erreurs politiques, stratégiques. Il y a eu envers les Pieds-Noirs des fautes inadmissibles, des crimes de guerre envers des civils innocents et dont l’Algérie devra répondre au même titre que la Turquie envers les Arméniens. » Critique tenue par Hocine Aït Ahmed, ancien chef historique du FLN, dans Ensemble, revue éducative bimestrielle de l'Association culturelle d'Éducation populaire, n° 248 - juin 2005.
    Hocine Aït Ahmed in "Ensemble, revue éducative bimestrielle de l'Association culturelle d'Éducation populaire", n° 248 - juin 2005

    Jean-Jacques Susini : fondateur et théoricien de l'OAS

    Jean-Jacques Susini a été aux premières loges du combat pour l'Algérie française…
    Il se confie auprès de Corse Matin

    Toute sa vie démontre qu'il n'a reculé devant rien. Son parcours de résistant dans le maquis, son engagement à la tête de l'OAS, l'Organisation armée secrète qu'il a créée avec le général Raoul Salan, l'attentat qu'il a fomenté contre DeGaulle à Toulon après la guerre d'Algérie, ses deux condamnations à mort par contumace, ses nombreuses années de prison et d'exil, en Espagne et en Italie, rien ne l'a ébranlé. Pourtant, c'est d'une voix émue, larmoyante presque, que Jean-Jacques Susini évoque le souvenir de Thomasine Palmieri, sa grand-mère maternelle, institutrice érudite qui l'a élevé et qu'il a surprise un jour pleurer en écoutant Mussolini à la radio.
    « C'est sans doute la femme que j'ai le plus aimée au monde. Elle m'a tout appris. Avec elle, j'ai commencé mes études à l'âge de trois ans ». Son mari, Jean Palmieri, formé à l'École militaire de Joinville, « un grand patriote », a fait sa carrière dans les douanes. Voilà pour la branche généalogique cortenaise.
    Son père, Antoine-Ange-Marie, natif de Loreto-di-Tallano, près de Sartène, et sa femme Philomène l'ont élevé à Alger. « Mon arrière grand-père, mêlé à une vendetta, avait quitté la Corse pour s'installer en Kabylie où il a créé une ferme. J'ai été élevé selon les vieux principes de la Corse, famille, travail, loyauté. Une éducation jésuite stricte dans un cocon familial généreux et autoritaire. J'étais parti à Strasbourg et Lyon faire mes études de médecine, mais je suis revenu en Algérie. Ma grand-mère était malade, je ne pouvais pas lui faire défaut »
    L'insurrection algérienne de 1954 le bouleverse. Les barricades d'Alger en 1960 scellent son destin.  « Je n'avais pas le choix ».
    Un ressentiment mortel à l'égard de DeGaulle
    Le procès, la prison, un engagement pour l'Algérie française qui sera pour lui moins politique que charnel. « Je défendais le sol, la famille, c'était un tout ».
    Il n'élude pas les injustices sociales qui ont alimenté la rébellion.
    « Il existait des inégalités de fait entre les deux communautés. Les Européens avaient davantage de moyens pour acheter les terres et les cultiver. Les Musulmans étaient, eux, des éleveurs. Une disparité qui exigeait des réformes profondes. Elles n'ont jamais eu lieu… »
    Au comité supérieur de l'OAS, Jean-Jacques Susini est chargé de la branche Action psychologique et propagande.
    « Je prenais toutes les décisions politiques internes à l'organisation et je m'occupais de diffuser l'information. Beaucoup de Corses étaient acquis à notre cause, le capitaine Jean Ferrandi en tête, le bras droit de Salan ». C'est à 27 ans que Susini, qui aujourd'hui reçoit Corse Matin dans son appartement cossu du XVIIe à Paris, fait la connaissance à Madrid du général Raoul Salan avec qui il tisse des liens privilégiés. « Il méditait, même dans des moments dramatiques. On l'appelait le Mandarin. Lors de nos tête-à-tête, je ne lui cachais rien de nos difficultés. Il doutait, se demandait parfois si le jeu en valait la chandelle. Il avait du mal à s'adapter à une situation inimaginable pour un général cinq étoiles, mais en même temps une espérance l'habitait. C'était notre drapeau, notre référence, il était le seul à bien connaître DeGaulle ».
    DeGaulle… Le 19 février 1966, Jean-Jacques Susini est condamné à mort pour l'attentat manqué du mont Faron.
    Pourquoi avoir voulu tuer DeGaulle ?
    « J'avais rejoint son parti, le RPF, j'ai pris le maquis de la résistance avec d'autres étudiants. Je me serais sacrifié pour lui. Il nous avait promis l'Algérie française. Il était responsable des multiples massacres qui se sont produits en Algérie après notre départ, de tous ces gens égorgés comme des lapins, mais aussi de l'exode de un million de nos compatriotes dans des conditions terribles ».
    Le hasard de la vie l'associe, trente ans plus tard, au petit-fils Charles au sein du FN des Bouches-du-Rhône.
    « Nous nous sommes cordialement ignorés. Je ne voulais pas lui raconter que son grand-père était un coquin ».
    Les attentats et exécutions imputés à l'OAS auraient fait plus de 1 600 morts, mais les confessions de Jean-Jacques Susini ne vont pas jusqu'à admettre qu'il a du sang sur les mains.
    « Je suis un combattant, certes, mais les actions de terrain, que je soutenais, n'entraient pas dans mes attributions ».
    « J'ai tout sacrifié, mais j'ai eu une vie unique »
    En 1962, tandis que le terrorisme de l'OAS et du FLN frappe aveuglément et que s'amorce l'exode des pieds-noirs, Jean-Jacques Susini tente en vain un compromis avec Abderrahmane Farès.
    « La guerre est perdue. La mort dans l'âme, j'engage des négociations avec l'aile modérée du FLN pour obtenir des garanties en faveur des Européens qui décideraient de rester en Algérie. Un exode massif risquait d'appauvrir le pays, je me suis jeté dans la gueule du lion car c'était la dernière carte à jouer ».
    Il n'est jamais retourné en Algérie.
    « Souvent c'est vrai, j'ai eu la tentation d'y revenir mais j'ai résisté. Je n'avais pas envie de m'attrister et d'avoir des états d'âme inutilement ». Un pays qui, selon lui, n'aura pas son printemps arabe. « C'est un régime sérieux et dur qui n'est pas près de quitter le pouvoir comme ça… » Jean-Jacques Susini a tout sacrifié à sa cause et sa cause a tout sacrifié, sa liberté, sa vie de famille, sa carrière professionnelle dans la médecine.
    « J'ai toujours essayé de prendre la vie du bon côté. En exil à Rome, j'ai été pris de passion pour les recherches archéologiques. En prison, j'ai étudié et j'ai lu, beaucoup. Quand on s'organise intellectuellement, on en oublie presque l'isolement et la privation de liberté. Lorsque j'ai connu la faim et le froid, j'ai pu bénéficier de l'aide d'un médecin et de son infirmière, tous deux communistes. Mon père me rendait visite parfois. Il souffrait d'autant plus pour moi qu'il ne partageait pas mes idées ».
    En 1978, il achève ses études de médecine et entame une agrégation de sciences économiques. Il publie même un ouvrage sur l'inflation aux Presses universitaires de France. Mais recruté par un ami, il devient chef d'une entreprise d'hygiène et de gestion en sécurité. La Banque Mondiale fait partie de ses clients attitrés. Ainsi, celui qui avait commencé ses études à l'âge de trois ans avec sa grand-mère Thomasine pour professeur, n'entrera dans la vie active qu'à presque cinquante ans.
    Mais il n'éprouve aucun regret.
    « Une existence est faite de choix, et je n'ai peut-être pas fait toujours les bons. Mais des regrets sur des décisions fondamentales, je n'en ai aucun. Oui, j'ai tout sacrifié, mais j'ai eu une vie unique ».
    Le vieil homme allume cigarette sur cigarette. L'échec de ses combats passés lui laisse un goût de cendres.
    Il tripote, songeur, son courrier.
    Une missive l'informe que des archives des services secrets suisses viennent d'être déclassées. Selon certains documents, il aurait été à l'époque utilisé par les Américains et Jacques Chevallier, alors ministre de la Défense, pour négocier avec le FLN la constitution d'un gouvernement pro-occidental.
    Il affiche une moue dubitative.
    « Lorsqu'on a en charge la propagande, on se laisse difficilement manipuler ».
    Une autre lettre l'invite début juin dans le village de La Colle-sur-Loup où des anciens de l'OAS se réunissent.
    « J'irai sans doute. Une forme d'entraide a perduré entre tous ceux qui ont défendu l'Algérie française ».
    S'il ne s'est pas installé en Corse, c'est parce que son épouse Marie-Antoinette exerce toujours son métier d'avocate à Paris. Le retour n'est qu'estival sur la terre de ses ancêtres.
    Jean-Jacques Susini n'a pas renoncé à écrire ses mémoires d'Algérie. Le tome I a été censuré. Les suivants ne le seront pas. L'histoire ne le rattrape pas. En réalité, elle ne l'a jamais lâché.

    Jean-Jacques Susini publie un livre d'entretiens avec le journaliste Bertrand Le Gendre : Confessions du n° 2 de l'OAS aux éditions Les Arènes

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