Les pieds-noirs n’oublieront jamais comment ils furent accueillis en France en 1962 par les autorités de l’époque.
Heureusement tous n’étaient pas à l’image des autorités, et nombreux furent ceux qui trouvèrent en Provence une terre d’accueil à laquelle ils seront à jamais reconnaissants.
Mais tout de même, rappelons quelques propos pas si lointains que ça, puisqu’ils sont contemporains :
Gaston Defferre :
« Ils fuient. Tant pis ! En tout cas, je ne les recevrai pas ici. D’ailleurs, nous n’avons pas de place. Rien n’est prêt. Qu’ils aillent se faire pendre où ils voudront ! En aucun cas et aucun prix je ne veux des pieds-noirs à Marseille. »
À la question « Voyez-vous une solution aux problèmes des rapatriés à Marseille ? », il répond :
« Oui, qu’ils quittent Marseille en vitesse ; qu’ils essaient de se réadapter ailleurs et tout ira pour le mieux. »
Mais Gaston Defferre n’est pas un cas isolé.
Un sondage IFOP de début juillet 1962 indique que 62% des métropolitains refusent toute idée de sacrifice à l’égard des Français d’Algérie.
Voici d’ailleurs un rapport découvert lors de l’ouverture des archives : « Les Français d’Algérie qui débarquent en métropole font l’objet d’une froide indifférence, ou même d’appréhensions. On ne les connait pas. On ne sait d’où ils viennent ni si ils sont “vraiment” français. Jugés premiers responsables du conflit qui vient de se terminer et qui a coûté la vie de trop nombreux soldats métropolitains, ils ne semblent pas “mériter” que l’on porte sur eux le regard compatissant que beaucoup espèrent ».
Au Conseil des ministres du 18 juillet 1962, Louis Joxe s’exclame :
« Les pieds-noirs vont inoculer le fascisme en France. Dans beaucoup de cas, il n’est pas souhaitable qu’ils retournent en Algérie ni qu’ils s’installent en France. Il vaudrait mieux qu’ils aillent en Argentine, au Brésil ou en Australie. »
Georges Pompidou, Premier ministre, appuie cette idée :
« Pourquoi ne pas demander aux Affaires étrangères de proposer des immigrants aux pays d’Amérique du Sud ou à l’Australie ? Ils représenteraient la France et la culture française. »
Même de Gaulle y va de sa petite suggestion : « Mais non ! Plutôt en Nouvelle-Calédonie ! Ou bien en Guyane, qui est sous peuplée et où on demande des défricheurs et des pionniers ! » qui en rajoute le 4 mai 1962, en Conseil des ministres : « L’intérêt de la France a cessé de se confondre avec celui des pieds-noirs ». Un autre jour, à son ministre Peyrefitte qui lui expose « le spectacle de ces rapatriés hagards, de ces enfants dont les yeux reflètent encore l’épouvante des violences auxquelles ils ont assisté, de ces vieilles personnes qui ont perdu leurs repères, de ces harkis agglomérés sous des tentes, qui restent hébétés… », de Gaulle répond : « N’essayez pas de m’apitoyer ! »
Parlant d’Edmond Jouhaud, l’un des généraux putschistes du 13 mai 1958, de Gaulle dira : « Ce n’est pas un Français, comme vous et moi, c’est un pied-noir. »
Le 22 juillet 1962, Gaston Defferre poursuit ses anathèmes sur Paris-Presse :
« Français d’Algérie, allez vous faire réadapter ailleurs. Il faut les pendre, les fusiller, les rejeter à la mer… Jamais je ne les recevrai dans ma cité. »
Dans le centre de Marseille, une inscription sur un grand panneau :
« Les pieds-noirs à la mer. »
À l’aéroport d’Orly, la direction interdit aux pieds-noirs d’emprunter l’escalier mécanique parce qu’elle estime que leurs valises et leurs ballots volumineux sont une gêne pour les autres voyageurs.
Ce sont les mêmes Français, les mêmes politiciens, les mêmes autorités, qui hier rejetaient leurs compatriotes, aujourd’hui accueillent à bras ouverts les « réfugiés » du monde entier, alors même que les conditions économiques se sont considérablement dégradées.
Tenter de comprendre ce qui s’est en moins d’une génération, c’est tenter de comprendre comment va le monde. Nice Provence Info s’y emploie.
Georges Gourdin
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