• "Le FN fait pire que les autres" : ces élus frontistes qui déchirent leur carte

    "8 à 10%" des élus du parti de Marine Le Pen ont claqué la porte. L'"Obs" donne la parole à ces déçus du Front national.

    "8 à 10%" des élus du parti de Marine Le Pen ont claqué la porte. L'"Obs" donne la parole à ces déçus du Front national.

    C'est un phénomène suffisamment significatif pour que la direction du FN s’en inquiète : depuis des mois, de nombreux élus "bleu marine" des dernières municipales, départementales ou régionales, quittent le parti. A Nanterre, une mission vient d’ailleurs d’être diligentée pour diagnostiquer l’étendue de ces départs.

    Aujourd’hui, le FN compte près de 1.600 élus municipaux, 358 conseillers régionaux, 62 conseillers départementaux et 27 parlementaires (députés européens, deux députés et deux sénateurs). Combien sont-ils à avoir rendu leur carte ? Combien de défections ? Certains évoquent jusqu’à 15% d’élus qui auraient rendu leur carte. "Maximum 8 à 10%", jauge Jean-Lin Lacapelle, le secrétaire national aux fédérations et à l'implantation. Cela pourrait donc concerner entre 160 et 200 élus sur un total de plus de 2.000. Un chiffre non négligeable ! "Il y a eu quelques départs liés à des querelles de personnes mais nous avons beaucoup de ralliements qui rendent l’équation neutre voire positive !" veut-il croire, tout en concédant "une érosion chez les élus municipaux".

    La dernière en date a eu lieu dans le Var il y a quelques semaines. La maire du Luc a démissionné de son poste.Dans une lettre ouverte, Patricia Zirilli a expliqué ainsi sa décision :

    Avant elle, des dizaines d’autres élus déçus avaient décidé de rendre leur carte du parti à la flamme. A "l'Obs", plusieurs d’entre eux expliquent pourquoi ils sont partis et où ils envisagent leur avenir politique.

    "Le FN fait pire que les autres" : ces élus frontistes qui déchirent leur carte

    Patrice Hainy,
    élu municipal à Hayange (Moselle).

    Patrice Hainy est cuisinier dans l’armée. En 2013, il est en colère contre le gouvernement et notamment contre les décisions prises en matière de budget pour la Défense. "Je suis plutôt de gauche, mais je me suis laissé séduire par le FN", raconte-t-il. Alors, quatre mois avant le début de la campagne pour les municipales, il saute le pas et se voit immédiatement proposer une place sur la liste conduite par Fabien Engelmann pour la mairie d’Hayange en Moselle.

    Patrice Hainy s’inquiète : le mandat d’élu municipal, il n’y connaît pas grand-chose. "Personne n’avait fait de politique auparavant mais on nous a dit qu’on aurait des formations." Il n’en verra pas la couleur. Arrive le scrutin. Fabien Engelmann l’emporte et Patrice Hainy intègre l’équipe municipale. C’est là que les ennuis commencent.

    Adjoint aux sports, il transmet à l’édile la proposition que lui fait une professeure de danse orientale de mettre en place un atelier. "On cherchait justement des activités périscolaires, ça plaît beaucoup aux enfants, mais le maire m’a répondu : 'Ce n’est pas compatible avec le Front national, t’as qu’à lui dire qu’il n’y a pas de salle'. Mais moi je ne sais pas mentir", raconte-t-il. "Le maire a aussi demandé à faire déplacer les commerçants algériens sur le marché", dit-il.

    La goutte d’eau, à ses yeux, a été l’éviction de la première adjointe Marie Da Silva, "soi-disant parce qu’elle ne faisait pas son travail". Au conseil municipal, Patrice Hainy vote pour le maintien de sa collègue. Mais, s’emporte-t-il, "on ne retrouve pas mon vote dans le résultat !"

    Écœuré, il se retire du groupe FN et rend sa carte comme deux autres adjoints. Mais il continue à siéger à la mairie et à l’agglomération. "La majorité ne s’exprime pas, observe-t-il. A l'exception du maire". Ce dernier "accepte tout en douce de la part de l'agglomération, mais rien publiquement." Désormais, Patrice Hainy aimerait rejoindre la gauche.

    Pourtant, "la gauche ne lui fait pas de cadeau", regrette-t-il. On lui a expliqué poliment que son passage au FN rendait les choses compliquées… Quant à ses anciens amis frontistes, ils ne sont pas plus tendres. "On m’a même explosé mes pneus !" dit Patrick Hainy. Un coup, selon lui, d'anciens camarades du parti.

    "Le FN fait pire que les autres" : ces élus frontistes qui déchirent leur carte

    Franck Sailleau,
    élu municipal à
    Ballancourt-sur-Essonne (Essonne).

    Convaincu que l’élection de Marine Le Pen à la tête du Front national marque un tournant pour la formation d’extrême droite, et jugeant que la gauche a "abandonné totalement le combat pour la laïcité", Franck Sailleau s’engage au FN en 2011. L’année suivante, il est candidat aux législatives puis tête de liste pour les municipales en 2014 à Ballancourt-sur-Essonne. Il devient conseiller municipal.

    Mais au courant de l’été 2015, l’affaire Jean-Marie Le Pen éclate : refusant de retirer ses propos sur "le détail de l’histoire", le fondateur du FN est menacé d’exclusion par sa fille. Si Franck Sailleau "n’a jamais été sur la ligne" du leader d’extrême droite, il est "extrêmement choqué" par la façon dont se sont déroulés les événements.

    "Il a été évacué par la force", estime cet informaticien de 34 ans, contestant les résultats du référendum interne sur l’exclusion de Jean-Marie Le Pen "digne d’une République bananière" :

    Franck Sailleau a également du mal avec "l’idolâtrie" ambiante. "J’ai été très naïf avec le recul", conclut celui qui s’est désormais tourné vers le parti de Nicolas Dupont-Aignan, Debout la France. "C’est un mouvement de moindre envergure mais qui veille à travailler sans violence."

    "Le FN fait pire que les autres" : ces élus frontistes qui déchirent leur carte

    Jean-Jacques Guitard,
    élu municipal à Beausoleil
    (Alpes-Maritimes).

    Initialement membre du SIEL, groupuscule d’extrême droite fondé en 2011 par Paul-Marie Couteaux, Jean-Jacques Guitard rejoint d’abord le Rassemblement Bleu Marine avant de prendre sa carte au FN peu avant les élections municipales de 2014. Ce cadre dans une société financière de 56 ans décide alors de présenter une liste à Beausoleil dans les Alpes-Maritimes.

    Quand viennent les élections régionales, Jean-Jacques Guitard est approché pour rejoindre l’équipe de campagne de Marion Maréchal-Le Pen. Avec d’autres, il déjeune avec la candidate en juin 2015 à Nice. Le 2 juillet, il est même invité à se joindre à la première réunion de campagne. Mais entre-temps, c’est la douche froide : Jean-Jacques Guitard découvre qu’Olivier Bettati, transfuge de l’UMP, est tête de liste FN dans son département !

    Le choix passe mal, très mal. Dans une lettre ouverte à la candidate, il exprime son refus. Dans un mail que "l'Obs" a pu consulter, Marion Maréchal-Le Pen lui répond : "A vrai dire, je trouve assez surprenant cette opposition de principe à une candidature d'ouverture. Par le passé, Jean-Marie Le Pen, à de nombreuses reprises, a propulsé des éléments extérieurs qui n'avaient jamais milité sur le devant de la scène."

    "Tout ce que le FN reproche aux autres partis, il le fait en pire !", soupire Jean-Jacques Guitard, qui démissionne en septembre 2015 avant de rejoindre l’ennemi juré du FN : la Ligue du Sud de Jacques Bompard.

    Pourtant "au fond de moi, je suis un vrai frontiste", dit-il. Jean-Jacques Guitard souligne aussi le flou qui entoure la ligne politique de son ancienne maison : "L’euro, on en sort ou pas ? Les retraites, on fait quoi ?" Il regrette que Marine Le Pen ne soit pas assez "ferme" notamment sur "le grand remplacement".

    "Le FN fait pire que les autres" : ces élus frontistes qui déchirent leur carte

    Clotilde Font,
    élue à Perpignan
    (Pyrénées-Orientales).

    Elle devait être "le symbole de l’ouverture", en deuxième position sur la liste du candidat à la mairie de Perpignan, Louis Aliot. Gérante d’une agence immobilière, Clotilde Font a d’abord milité au RPR mais "ne s’est pas retrouvée dans l’UMP".

    C'est sur le marché qu'elle rencontre le vice-président du FN. Qui lui propose ensuite d’être sur sa liste. Elue d’opposition à ses côtés, elle est nommé à la tête du Rassemblement Bleu Marine (RBM) dans le département pour "élargir, ramener des gens qui ne sont pas prêts à aller tout de suite au Front". Mais son intégration à elle se passe mal.

    D’autant qu’Aliot "est souvent absent" et ne "joue pas le rôle de chef d’équipe", raconte-t-elle. "Il avait promis que ceux qui seraient élus aux régionales démissionneraient de l’équipe municipale mais n’a pas tenu sa promesse". La déception s’installe. Puis, à sa grande surprise, Clotilde Font apprend dans la presse que "le RBM va être dissous", une affirmation contredite aussitôt par le secrétaire général Gilbert Collard. "En fait, c’était juste pour m’écarter", estime-t-elle aujourd’hui.

    Alors, en février dernier, elle informe Louis Aliot, par ailleurs député européen du Sud-Ouest, qu’elle a l’intention de quitter le groupe à la mairie et à l’agglomération. Ce dernier lui demande alors de démissionner de son mandat.Elle refuse et reste au conseil municipal : "J’ai amené 9 personnes sur la liste donc j’estime que j’ai participé au score." Aujourd'hui, "c’est un soulagement d’être partie du FN", explique-t-elle. Avec d’autres élus déçus, elle a monté le collectif Evolution 66. Pour "peser".

    "Le FN fait pire que les autres" : ces élus frontistes qui déchirent leur carte

    Marie-Hélène Pelras,
    élue au Soler
    (Pyrénées-Orientales).

    "On cherchait un avocat pour mon mari qui ne soit ni de droite, ni de gauche", raconte Marie-Hélène Pelras. C’est ainsi que cette adhérente à l’UMP - depuis sa création - fait la connaissance de Louis Aliot. Le couple, qui dirige une exploitation maraîchère, se lie d’amitié avec le vice-président du FN et rejoint le parti en 2013 à l’approche des élections municipales. Marie-Hélène Pelras mène alors la liste dans la commune du Soler et arrive deuxième derrière l'UMP.

    Au sein du FN, elle décide de monter un collectif de 80 femmes "pour faire bouger les choses". Mais, selon elle, "dès que ça a marché, ça ne leur a pas plu". Marie-Hélène Pelras regrette l’absence d’investissement de Louis Aliot. Alors quand les listes départementales commencent à se constituer et qu’elle est pressentie, l’élue municipale est gagnée par le doute, d’autant qu’elle assiste aux "parachutages". Quand elle s’en inquiète auprès de Louis Aliot, il lui répond : "C’est moi le patron." Fin de la discussion. Alors, elle prend sa décision : elle n’ira pas aux départementales et elle quitte le FN. "Il n’y pas de dialogue, pas d’écoute. On ne règle rien, on laisse pourrir". Marie-Hélène Pelras a bien été approchée par Debout la République mais pour elle, "la politique, c’est fini". Elle a rejoint le collectif : Evolution 66.

    Jean-Pierre Atoch, élu à Barcarès (Pyrénées-Orientales).

    Il est de ces militants frontistes qui ont vécu la rupture avec Bruno Mégret en 1998. Jean-Pierre Atoch, qui avait pris sa carte en 1990, avait d’ailleurs suivi "le félon" avant de revenir au FN. De 2009 à 2012, il est secrétaire départemental du parti dans les Hautes-Pyrénées puis s’installe dans les Pyrénées-Orientales. On lui propose de figurer avec son épouse sur la liste municipale pour la commune de Barcarès. Mais voyant le peu d’enthousiasme de la tête de liste, le couple demande à en être retiré. "On nous a maintenus, contraints et forcés." Ils se retrouvent donc élus malgré eux ! Un épisode qui vient s’ajouter pour Jean-Pierre Atoch à une évolution du mouvement qui lui déplaît :

    Jean-Pierre Atoch a finalement rejoint le "Parti de la France" de Carl Lang en 2015. "Je retrouve là ceux qui ont fait le FN, qui ont mouillé la chemise et ça me plaît". Il garde toutefois un œil sur Marion Maréchal-Le Pen qui aura peut-être, selon lui, un rôle à jouer "lors de la recomposition de la droite nationale".

    "Le FN fait pire que les autres" : ces élus frontistes qui déchirent leur carte

    Irina Kortanek,
    élue municipale à Bompas
    (Pyrénées-Orientales)

    "Quand on dit tête haute et mains propres, il faut se laver les mains de temps en temps !", moque Irina Kortanek. Cette conseillère municipale de la ville de Bompas (Pyrénées-Orientales) qui a toujours voté FN "depuis sa majorité", avant de prendre sa carte en 2007, ne décolère pas.

    "Etre simple militante ça me convenait très bien !" Seulement voilà, le FN, en quête de candidat, lui demande en 2008 de se présenter aux cantonales. Elle s’exécute. En 2010, on la pousse aux régionales : "Je ne voulais pas être élue. On m’avait garanti que ce serait le cas, je préfère les échelons où l’on est plus proche des gens." Le score du FN étant plus élevé que prévu, elle est finalement élue et devient conseillère régionale. En 2014, elle mène la liste municipale à Bompas et devient élue d’opposition. Lorsque de nouvelles élections régionales se profilent, Irina Kortanek réitère : elle ne souhaite pas se représenter. Mais, cinq mois plus tard :

    Alors l’élue qui ne voulait pas de mandat se fend d’un communiqué de presse pour signifier aux instances dirigeantes qu’elle "n’est pas un pion". Elle reçoit alors quelques menaces par SMS. "Il ne faut pas dire les choses trop fort au Front national". Le temps file et rien ne se passe. "J’ai demandé la date de mon passage en commission disciplinaire mais je n’ai eu aucune réponse non plus !" Alors elle claque la porte mais conserve son mandat à la mairie de Bompas. "Je trouve ça très bien qu’on ne touche pas d’indemnités, on peut faire de la politique proprement !"

    Pour l’instant, si Irina Kortanek dit avoir été approchée par "plusieurs partis de droite", elle préfère en faire à l’extérieur. Et l’année prochaine lors de la présidentielle ? "Sauf miracle, je mettrai un bulletin blanc." Elle raille désormais : "Les gens n’ont pas besoin d’avoir peur du FN." Ce parti est selon elle davantage occupé à "placer les copains et les transfuges" qu'à prendre la défense des "oubliés".

    Estelle Gross

    source L'OBS (30 avril 2016)


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  • JUPPÉ : Arrogance et autisme.

    Billet du général Henri PINARD LEGRY, Président de l'ASAF.         

     
     
        Il a été condamné en 2004 à une peine de 18 mois de prison avec sursis et dix ans d'inéligibilité, ramenée en appel à 14 mois avec sursis et un an d'inéligibilité dans l'affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. Il a certes pris une retraite de deux ans au Québec histoire de se faire oublier avant de revenir et se faire élire maire de Bordeaux. (NDLR)
     
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    Posté le mercredi 27 avril 2016
     
    Les propos tenus le 25 avril devant des étudiants de l’IEP de Bordeaux par monsieur Juppé au sujet du général de corps d’armée Bertrand Soubelet sont parfaitement incongrus et incompréhensibles au regard des responsabilités qui lui ont été confiées dans le passé et de celles auxquelles il aspire pour l’avenir proche.
     
    « Un militaire, c'est comme un ministre : ça ferme sa gueule ou ça s'en va »

    Non, monsieur Juppé, un officier général n’est pas un ministre qui passe d’un ministère à un autre souvent sans connaître grand-chose aux matières qu’il est amené à y traiter.
    Un officier général, en situation de responsabilité, possède une compétence  indiscutable et indispensable pour permettre aux dirigeants politiques (Président, ministres et élus) de prendre les meilleures décisions en toute connaissance de cause.
    C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le général Soubelet a été auditionné !
    Les militaires, y compris ceux qui appartiennent au haut commandement, ont donc le devoir de s’exprimer devant les élus et les Français avec la plus grande franchise.
    Refuser les analyses et les propositions de ceux qui possèdent la connaissance précise des réalités, c’est faire preuve d’un autisme qui explique sans aucun doute bien des problèmes que la France rencontre sans les traiter au fond parce que ses dirigeants ne savent pas écouter et donc comprendre et décider avec intelligence.
     
    Dire d’autre part que : « Les militaires ont le droit de penser mais il y a des limites à ne pas dépasser » est non seulement inconvenant mais proprement scandaleux.

     C’est la marque d’une suffisance voire d’une arrogance détestables souvent attachées d’ailleurs à l’image que les Français ont de l’auteur de cette sentence.
    Qu’aurait dit monsieur Juppé si l’on avait appris que le général Soubelet avait caché la vérité à la représentation nationale ?
    Aurait-il félicité ce général d’avoir menti par omission ?
     
    En écoutant ces propos, on comprend bien pourquoi les Français disent ne plus avoir confiance en une classe politique autiste.
     
    Ils souhaitent maintenant des chefs francs et clairvoyants, courageux et animés du seul souci de servir l’intérêt général.
     
    En considérant les militaires comme de simples exécutants muets, monsieur Juppé exprime en fait sa volonté de voir une caste politicienne conserver le pouvoir et ses prérogatives, en faisant taire les Français qui veulent ardemment sortir la France de l’impasse dans laquelle elle se trouve.

    Monsieur Juppé, en ce centième anniversaire de la bataille de Verdun, l’Histoire nous rappelle qu’on ne conduit pas la France à la victoire et au succès contre les Français ou sans eux. 

     Cela est d’autant plus vrai quand on aspire à devenir le chef des armées et qu’on se permet de faire de la démagogie sur le dos des soldats français.

    Henri PINARD LEGRY
    Officier général en 2ème section
    Président de l’ASAF

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