• Arabo-Islamisme durant « la bataille d’Algérie Française »

    Par J.P.LLEDO ..

    Posté par lesamisdegg 

    Du panislamisme phagocyteur du panarabisme

    El Halia, 20 Août 1955. La guerre est déclenchée par le FLN,  le 1er Novembre 1954 : ce jour-là, fête de tous les Saints à l’origine, le peuple catholique rend hommage à ses morts. Le choix de la date préfigure l’alternative nationaliste inventé dès 1945, ‘’la valise ou le cercueil’’. Mais la première opération militaire d’envergure de l’ALN, Armée de Libération nationale, a lieu le 20 Août 1955 à midi. C’est un vaste pogrom qui vise au faciès tous les civils non-musulmans de Philippeville et de sa région, et auquel participent des milliers de paysans et de citadins. Ordre leur est donné par les commandos qui les encadrent de prendre n’importe quelle arme et de faire le maximum de victimes en un minimum de temps. 130 non-musulmans périssent. Le triple de blessés. Dans la séquence que vous verrez, le personnage principal, un ingénieur agronome, interroge un membre d’un des trois commandos qui agirent à El Halia, un village minier d’environ 120 personnes d’origine italienne, où furent tués et mutilés une quarantaine de femmes, vieillards, enfants et mineurs.

    5 Juillet 1962 à Oran. Deux jours plus tôt, l’Algérie est devenue indépendante par voie de référendum. Le 5 Juillet est aussitôt désigné comme le jour de sa commémoration annuelle. Ce jour-là, et les suivants, se déroule dans la 2eme plus grande ville d’Algérie, un pogrom qui vise au faciès tous les civils non musulmans. L’historien Jean-Jacques Jordi, sur la base d’archives françaises, en a dénombré plus de 700 – ‘’Un silence d’Etat’’, Jean-Jacques Jordi, Ed SOTECA, Paris, 2011 – . C’est la journée la plus meurtrière de toute la guerre d’Algérie. Et elle a été minutieusement organisée (rafles dans la rue, transport vers des lieux de détention, notamment les Abattoirs, interrogatoires musclés, avant les égorgements massifs au dit ‘’Petit Lac’’, sans parler de la foule encouragée à assouvir ses instincts sanguinaires.

    Enseignements Le fait que la guerre de ‘’libération’’ ait commencé et fini par un massacre de non-musulmans est loin d’être un hasard. Le message en est limpide : faire comprendre aux non-musulmans qu’ils n’auront plus de place dans une Algérie indépendante. Dans le 1er extrait, le tueur dit : ‘’Chez les Français, ce sont les femmes qui commandent, et quand elles verront ce qui s’est passé ici, elles diront à leurs maris : allez partons !’’. Or au moment de l’indépendance, il y a encore trop de non-musulmans, environ 200 000 personnes, et parmi les 800 000 qui sont déjà partis, beaucoup pensent revenir ‘’si les choses se calment’’…

    Avant, pendant, et après 1954, le « nationalisme » algérien n’a qu’un seul   …

    horizon : l’arabo-islamisme. Pour adhérer au principal parti de Messali Hadj, on doit jurer sur le Coran. En 1949, certains de ses dirigeants, kabyles donc ne se reconnaissant pas dans l’arabité, demandent à ce que la future république algérienne  ne se définisse plus par l’arabo-islamisme. Ils sont exclus.  Cette idéologie ethnico-religieuse irrigue autant la Déclaration du 1er Novembre 1954 dont le but est un Etat souverain ‘’dans le cadre des principes islamiques’’, que la 1ère Constitution algérienne qui institue ‘’l’islam, religion d’Etat’’, et en vertu de laquelle le Code de la Nationalité énonce que seuls les musulmans pourront être  automatiquement algériens.  En 1955, deux dirigeants, qui dans les années 70 seront des ministres de Boumediene, disent dans des assemblées d’étudiants algériens à Paris : « Avec un million d’Européens, l’Algérie serait ingouvernable ! (Bélaïd Abdeslem) et  « L’Algérie, n’est pas un manteau d’Arlequin » (Reda Malek). – Témoignage d’André Beckouche. Thèse d’histoire sur le rôle des Juifs algériens dans la lutte anticoloniale, publiée en 2013 par Pierre-Jean Le Foll-Luciani.- Des décennies après, d’autres dirigeants eux-mêmes l’avoueront aussi. Ben Khedda, le président du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne), écrit dans ses Mémoires : « En refusant notamment la nationalité algérienne automatique pour un million d’Européens, nous avions prévenu le danger d’une Algérie bicéphale. ». –  « La fin de la guerre d’Algérie », Benyoucef  Ben Khedda, Casbah Ed. 1998, Alger. « Accords d’Evian » – Réda Malek Le Seuil, 1990, Paris  -  Et toujours le même Réda Malek explique que les négociations  France – GPRA qui durèrent 3 années, s’achevèrent lorsque qu’assuré de pouvoir exploiter le pétrole saharien durant encore 10 ans, De Gaulle entérina le refus des Algériens d’accorder la nationalité algérienne aux non-musulmans. Et Malek de s’exclamer : « Heureusement, le caractère sacré arabo-musulman de la nation algérienne était sauvegardé.

    Le double langage Certains objectent que le FLN fit des déclarations laissant entendre que les citoyens non-musulmans pourraient avoir une place dans l’Algérie indépendante. Mais ils taisent le fait qu’elles ne furent pas très nombreuses et surtout qu’elles n’étaient que des annonces de propagande pour l’international, la gauche européenne et le monde communiste. Mais au même moment, comme le révèle l’historien contestataire Mohamed Harbi, nous apprenons par une archive du FLN, qu’en 1961, Lakhdar Ben Tobbal, un grand dirigeant se trouvant au Maroc, rassure  ainsi des militants FLN inquiets par les différents Appels du GPRA et du FLN aux Juifs et aux Européens d’Algérie en 1960 et 1961 : « Ces textes sont purement tactiques. Il n’est pas question qu’après l’indépendance, des Juifs ou des Européens soient membres d’un gouvernement algérien. ». –  Les Archives de la révolution algérienne, Mohammed Harbi, 1981, Ed Jeune Afrique -A l’origine de ce double langage, il y a tout simplement le langage nationaliste algérien qui s’enracina toujours dans le vocabulaire religieux, lequel devint tout à fait visible et audible lors des périodes soit l’insurrection de Mai 1945, soit dès novembre 54. Toutes deux sont un djihad. On les mène au même cri d’Allah ou akbar (Allah est le plus grand), car elles se font pour la Cause de dieu, ‘’ fi sabil illah !’’. L’ennemi est kofar (mécréant), le combattant un ‘’moudjahid’’.  Et l’on appelle à tuer les chrétiens et juifs - Nqatlou nsara ou Yahoud-  Dans chaque zone contrôlée par l’ALN, la justice s’applique en vertu de la charia : la mort pour les homosexuels, le nez coupé pour la désobéissance.

    Histoires à ne pas dire -J.P. LLEDO

    Le terrorisme contre les civils non-musulmans devient l’arme privilégiée. Bombes dans les cafés, les autobus, ou dans les stades, se conjuguent aux attentats individuels ciblés auxquels sont élus en particulier les Juifs, aux abords de synagogues, le samedi de préférence. Et il y eut plus de 80 instituteurs européens enseignant dans le bled quasiment uniquement à des enfants musulmans, qui ainsi périrent. « Bons ou mauvais, je ne faisais pas de différence » avouera Lakhdar Ben Tobbal dans ses mémoires. Car si le but final est de dissuader les non-musulmans d’envisager un avenir dans ce qui est pour eux aussi leur pays,

    dans l’immédiat, ce qui est visé est de créer ‘’un fossé’’ entre les communautés. Et pour cela, rien de mieux que de faire couler du sang des deux côtés : car l’on sait que les représailles y contribueront autant que l’action elle-même. Le terroriste n’est-il pas appelé fidaï, celui qui se sacrifie pour la cause de dieu ?

    Tout ce qui précède est tout à fait constitutif d’un imaginaire dominant, celui de l’islam. Ce qui pourrait sembler n’être que pure barbarie, n’est en fait que l’application de normes islamiques, et ce quels que soient les pays. Par exemple manger le foie de l’ennemi tué. Tout musulman sait en effet que pareille mésaventure arriva à l’oncle du Prophète Mohamed, Hamza b. Abdalmouttalib, et que depuis cette époque, dans des périodes de djihad, de pieux combattants, sans doute par vengeance, font subir le même sort à leurs victimes. L’acte chirurgical doublé de cannibalisme, filmé en direct, il y a quelques années en Syrie, émut le monde entier, mais a été pratiqué sous toutes les latitudes par toutes sortes de djihadistes. En Algérie, il y a quelques années, par les djihadistes du GIA, autant que par ceux de la  »guerre de libération ».  Et cet imaginaire formaté par l’islam, est dès l’origine marqué au fer rouge de la judéophobie. Car si le christianisme s’est fondé sur la mort de Yeshoua, l’islam lui a pour crime fondateur celui du massacre des 900 Juifs de la tribu des Banu Qurayza (‘’en âge de se raser’’, précise la biographie du prophète, la Sîra d’Ibn Ishaq), de par la main armée d’un poignard du prophète lui-même. L’épisode du hammam de Constantine (les Arabes n’y vont aux mêmes heures que les Juifs, à cause de… ‘’leur odeur’’) montre combien profondément la judéophobie structure l’inconscient collectif musulman.

    Faux nationalisme. Tout ce qui vient d’être noté – Dans ‘’La dimension religieuse de la guerre d’Algérie’’ (Editions Atlantis, 2018, Allemagne), l’historien de la guerre d’Algérie, Roger Vétillard, en donnent ‘’45 preuves’’ –  dit assez qu’en Algérie, comme dans le reste du monde musulman, la surenchère du religieux vise à pallier l’insuffisance voire l’inexistence d’une conscience nationale. Un chef militaire fell , Si Abdallah, témoigne : « Nous n’arrivions pas dans une mechta en soldats révolutionnaires mais en combattants de la foi et il est certain que

    l’islam a été le ciment qui nous permit de  sceller notre union… Les nationalismes du monde musulman ont toujours été des nationalismes contre, contre la puissance non-musulmane (l’impérialisme ottoman, n’est jamais perçu comme un colonialisme, parce que musulman). Ils n’ont jamais été des nationalismes pour, pour l’édification de sa propre nation, comme l’ont été les nationalismes européens du 19eme siècle.

    Aussi pour justifier l’option militaire, les dirigeants fells diront-ils qu’ils n’avaient plus d’autres moyens d’exprimer leurs revendications. Ce qui est totalement faux, puisqu’à partir des années 20, le mouvement politique et social est en croissance continue (nombre de partis, de syndicats, d’associations, journaux, revues, meetings, manifestations politiques et artistiques, etc…), ce qui laisse entrevoir une voie pacifique vers l’indépendance avec l’ensemble de ses populations…

    JP LLEDO 


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  • Génocide arménien : le journal d’une survivante des “marches de la mort "

    D’avril 1915 à juillet 1916, les deux tiers des Arméniens vivant sur le territoire turc périrent au cours d’une extermination planifiée. Les cadres de l’Empire ottoman furent chargés de rassembler hommes, femmes et enfants. Et la plupart de ceux-ci périrent ensuite lors des « marches de la mort » dans le désert. Au terme de plusieurs semaines de souffrance, Serpouhi Hovaghian réussit, elle, à s’enfuir. Ecrivant en arménien, en grec et en français, elle a relaté au jour le jour les événements insoutenables auxquels elle a assisté avant de parvenir à s’évader. Récit.

    Au milieu des vieux papiers, des photos de familles, souvenirs en noir et blanc des jours passés, il y avait un petit carnet. Anny Romand ne l’avait jamais vu. En le découvrant, ce jour de 2014, l’actrice de 68 ans a eu un coup au cœur : l’écriture fine et régulière de sa grand-mère, Serpouhi Hovaghian, décédée en août 1976, couvrait les pages jaunies par le temps. «Certains passages étaient rédigés dans une langue qui m’était inconnue, nous raconte-t-elle aujourd’hui, mais je me doutais qu’il s’agissait de l’arménien. D’autres pages étaient écrites en français et parfaitement lisibles. C’était le récit de sa fuite devant les tueurs turcs…»

     
    L’actrice Anny Romand (Diva, Le Soulier de satin…) a écrit Ma grand-mère d’Arménie (éd. Michel de Maule), un livre de souvenirs écrit après la découverte du carnet de son aïeule. – Ed Alcock/Myop.

    Les archives administratives de l’Empire ottoman ne permettent pas d’établir avec précision le nombre d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont été tués entre 1915 et 1916. Les sources turques avancent le chiffre de 800 000 victimes. Les Arméniens, eux, évoquent un bilan de 1 500 000 morts. On est sûr, en revanche, du déroulement des événements effroyables, grâce aux témoignages de diplomates étrangers en poste en Turquie à l’époque et aux rapports des missionnaires. Ils recoupent parfaitement les récits des survivants.

    Les carnets de Serpouhi Hovaghian. – Ed Alcock/Myop.

    Serpouhi Hovaghian faisait partie de ces rares rescapés des massacres. Serpouhi est née le 22 juin 1893 à Samsun. Elle n’est pas restée longtemps dans cette ville, la plus grande des rives de la mer Noire. Son père, Agop, ingénieur à la compagnie de chemin de fer chargée de la construction de la Bagdadbahn, la ligne devant relier Berlin à Bagdad, entraîne en effet sa femme Ani et ses quatre enfants au gré de ses nombreux déplacements professionnels. Comme le reste de la fratrie, la fillette fréquente les meilleures écoles. A Nazareth, en Palestine, elle apprend ainsi le français chez les sœurs, en plus du turc et de l’arménien qu’elle parle déjà couramment. Elle a 13 ans lorsqu’un premier malheur frappe les siens : son père succombe à une péritonite. Ce décès prématuré oblige la famille Hovaghian à regagner Samsun.

    Génocide arménien : le journal d’une survivante des “marches de la mort "

    Arrêtée à Trébizonde le 3 juillet 1915, Serpouhi avait suivi les convois de la mort jusqu’à Agn (tracé rouge). Après son évasion, elle parvint à gagner Kirassou le 25 octobre, avant d’embarquer pour Constantinople (tracé marron clair). – GEO

    Trois ans plus tard, en 1909, sa mère la pousse à épouser Karnit Kapamadjian, un négociant de tabac, de trois ans son aîné et issu d’une famille prospère. Arrangé, ce mariage se révèle cependant heureux. Un an plus tard, le couple donne naissance à un petit garçon, Jiraïr, puis, début 1915, à une petite fille, Aïda. Karnit et Serpouhi s’installent alors à Trébizonde, (aujourd’hui Trabzon) une ville portuaire au nord de l’Anatolie, au bord de la mer Noire. Début août 1914, les premiers coups de canon de la Grande Guerre tonnent à l’ouest. Le gouvernement du Comité Union et Progrès (le parti des Jeunes-Turcs), au pouvoir depuis 1913 et qui a passé un accord secret avec l’Allemagne, décrète l’enrôlement de plusieurs dizaines de milliers d’Arméniens âgés de 20 à 40 ans dans la 3e armée. Karnik, le mari de Serpouhi, peut-être parce qu’il est soutien de famille, échappe à cette mobilisation. Quatre mois plus tard, le 3 novembre 1914, l’Empire ottoman bascule dans la guerre aux côtés de l’Allemagne et de l’Autriche-Hongrie. Voyageant pour ses affaires, Karnik Kapamadjian se tient informé de la situation internationale. Il se trouve en Roumanie quand il entend des rumeurs à propos de violences commises contre les Arméniens. Il rejoint néanmoins Serpouhi et leurs deux enfants. Autant dire qu’il se jette dans la gueule du loup. Car le processus d’extermination totale des Arméniens est déjà engagé.

    Un plan d’extermination mis au point par les cadres du parti des Jeunes-Turcs

    L’enquête diligentée après la guerre en Turquie pour identifier les responsables des massacres a révélé le plan d’extermination mis au point par les cadres du parti des Jeunes-Turcs. Il se décompose en quatre phases. En février 1915, le ministre de la Guerre Enver Pacha déclenche la première : sur son ordre, les militaires arméniens combattant dans les rangs turcs sont désarmés et envoyés dans des «bataillons de travail». Les conscrits arméniens de la 3e armée sont ainsi occupés à des travaux de terrassement ou de portage. Dans la plus grande discrétion, des groupes de 50 à 100 hommes sont régulièrement extraits de leur régiment pour être emmenés à l’écart et exécutés.

    Deuxième étape : à la fin de l’hiver 1915, une campagne de désinformation est lancée dans la presse. Des articles, visant à préparer l’opinion publique à l’horreur qui va suivre, affirment que des Arméniens soutiennent les troupes russes dans le Caucase. Accusés d’être des traîtres à la solde de la Triple-Entente (France, Grande-Bretagne et Russie), qu’il devient nécessaire d’éradiquer, les Arméniens sont victimes de violences : leurs maisons sont saccagées, leurs boutiques pillées, des notables sont lynchés en place publique. Leur situation est d’autant plus désespérée que, contrairement aux Grecs, ils ne peuvent pas attendre le soutien d’un Etat susceptible de venir à leur rescousse. Face à cette flambée de haine, Ani, la mère de Serpouhi, ses frères et sœurs, choisissent de quitter la Turquie pour se réfugier en France.

    Les militaires arméniens désarmés et progressivement liquidés, le plan d’extermination mené par les Jeunes-Turcs peut entrer dans sa troisième phase. Cette fois, les cibles sont les prêtres, les intellectuels et les responsables politiques, qui sont impitoyablement raflés et exécutés. Dans leur excellent ouvrage Comprendre le génocide des Arméniens (éd. Tallandier, 2015), les historiens Hamit Bozarslan, Vincent Duclert et Raymond Kévorkian reconstituent la chronologie de l’horreur. La décision d’anéantir les Arméniens est prise lors de plusieurs réunions d’un comité spécial formé de cadres éminents du parti des Jeunes-Turcs, entre les 22 et 25 mars 1915. Le 24 avril – cette journée a été choisie pour commémorer aujourd’hui le génocide des Arméniens –, 650 intellectuels sont interpellés à Constantinople et assassinés. Partout, dans tous les vilayets (circonscriptions) où vivent les Arméniens, les mêmes atrocités se répètent. Le 26 juin, 42 notables arméniens sont arrêtés à Trébizonde. Le lendemain, ils sont noyés au large de Platana, le port de la ville. Karnit, le mari de Serpouhi, est au nombre des victimes.

    Le plan des génocidaires entre dans sa phase finale : la déportation générale

    Sous prétexte de les éloigner du théâtre des opérations militaires, les populations sont sommées de partir. Dans les bourgs, les villes et les villages, des cohortes de femmes, d’enfants et de vieillards (la grande majorité des hommes ont été tués) se mettent en route, à pied, n’emportant avec eux que le strict minimum, pour une destination inconnue. Dans la nuit du 2 au 3 juillet, une semaine après le meurtre de son mari, Serpouhi, son fils Jiraïr, la mère et la grand-mère de son mari, sont réveillés et jetés hors de chez eux. Profitant du chaos qui règne dans la rue, la jeune femme, son garçon de 4 ans dans les bras, se précipite vers l’hôpital où Aïda, son bébé âgé de 6 mois, a été admise quelques jours plus tôt. Elle ne reverra jamais sa belle-famille. Et arrivée à l’hôpital, Serpouhi découvre l’indicible : Aïda est morte. Comme le sont tous les enfants arméniens qui séjournaient à l’hôpital. Serpouhi est finalement arrêtée par des soldats turcs qui l’incorporent au «troupeau» humain désemparé qui prend la direction du sud.

    On leur a fait croire qu’on allait les installer dans d’autres villages, pour leur sécurité. Il n’en est évidemment rien. Et le témoignage du gouverneur Celal, surnommé parfois le «Schindler turc» en référence à l’industriel allemand qui sauva 1 200 juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, est accablant. Celal Bey, qui s’opposa au transfert des populations placées sous sa juridiction, témoigna en 1918 : «Le gouvernement, qui a ordonné le transfert des Arméniens à Deir ez-Zor [dans le désert syrien, ndlr], s’est-il demandé comment ces malheureux pourraient survivre sans habitation et nourriture, au milieu des tribus nomades arabes ? […] Il n’est point possible de nier ou de tourner autrement la question. Le but était l’extermination et ils ont été exterminés.»

    Un voyage sans retour

    Des longs convois se mettent en marche pour se rendre, par des chemins détournés à travers la Capaddoce, vers les déserts de Syrie ou d’Irak. Serpouhi, qui avance en tenant la main de Jiraïr, comprend-elle qu’il s’agit d’un voyage sans retour ? Dans une des premières notes de son journal, elle écrit : «Les Arméniens disparaîtront comme fumée de cigarette, seules resteront les cendres, et seule la terre viendra à notre secours.» Le périple est interminable raconte-t-elle : «Nous marchons sans but, six heures par jour, sans manger ni boire. Une route, marche et marche encore, jusqu’à ce que tu mettes fin à ta vie, une souffrance indescriptible.» La malnutrition fait tomber les prisonniers comme des mouches. D’autres sont abattus par les gardes qui les escortent. Ils font des étapes dans des contrées désertiques où ils sont parqués comme des animaux, ou dans des bourgades où ils sont soumis aux violences des villageois.

    Après des jours et des jours de ce régime inhumain, Serpouhi comprend qu’elle ne pourra pas sauver Jiraïr. Elle profite d’une halte dans un hameau pour confier son petit garçon à une paysanne musulmane. Elle relate cette scène déchirante dans son carnet : «Je fermais les yeux pour ne pas voir, pour ne pas entendre ses pleurs et ses cris.» Plus loin, elle exprime son insondable détresse : «Oh ! quel désespoir immense pour arriver à l’ultime point de non-retour de la misère et de la souffrance pour confier nos enfants, et à qui ? Aux criminels sanguinaires qui ont tué vos mères, sœurs, frères et maris dans de grandes souffrances !»

    Après vingt-cinq jours de marche forcée, le convoi arrive à Erzincan, sur la rive de l’Euphrate. Un soldat fait sortir Serpouhi du groupe. A-t-il jeté son dévolu sur elle ou veut-il la vendre comme esclave comme cela s’est produit pour d’autres au cours du voyage ? La jeune femme n’a aucun moyen de le savoir. «Un militaire m’a cachée dans une maison […] Un nid de typhus, trois personnes étaient atteintes, mais je n’ai pas été infectée», note-t-elle. Après être restée trois jours, allongée sur une paillasse, dans cette masure insalubre, Serpouhi est découverte par d’autres soldats pour être intégrée à un nouveau convoi, composé presque exclusivement de femmes. «Ils les avaient épousées pendant deux mois avant de les rejeter», écrit-elle. «Epousées» est évidemment un euphémisme qui dissimule une réalité plus sordide. Dans ce cortège, Serpouhi retrouve une de ses tantes par alliance. Elles sont ensemble lorsqu’elles assistent à une scène qui les marquera à jamais : «La longue rivière coulait toujours à nos côtés. Nous pensions qu’à chaque instant, ils allaient nous y jeter. Ils ont lancé deux chariots pleins de petits garçons dans la rivière. Cette scène ne sort pas de mes pensées et je pense qu’elle ne sortira jamais. Quand j’ai vu les corps de ces garçons dans l’eau, et que leurs bras, leurs jambes remuaient encore, j’ai été profondément choquée, plus encore quand j’ai vu ces monstres les regarder avec un sourire sarcastique», raconte-t-elle dans son journal.

    Serpouhi et sa tante reprennent leur interminable marche, convaincues que la mort les attend à l’arrivée. Elles ne se trompent pas. Leur convoi arrive, en août 2015, en vue des sinistres gorges de Kemah, à 45 kilomètres à l’ouest d’Erzincan, sur la rive gauche de l’Euphrate. Dans Le Génocide des Arméniens(éd. Odile Jacob, 2006), l’historien français Raymond Kévorkian donne une description saisissante du site et de l’utilisation qu’en firent les tueurs turcs à l’époque : il faut quatre heures de marche pour traverser ces gorges, qui représentent un piège mortel. L’Euphrate déchaîné d’un côté et les falaises abruptes de la chaîne du mont Sébouh de l’autre rendent vain tout espoir d’évasion. Les escadrons de l’Organisation spéciale – fondée en secret en novembre 1913 pour exterminer les Arméniens, son existence n’a été dévoilée qu’en mai 1919 – y conduisent les déportés comme à l’abattoir. Selon certains rapports, jusqu’à 25 000 personnes y sont exécutées chaque jour. Des dizaines de milliers de femmes et d’enfants sont jetés du haut des gorges dans le fleuve, les tueurs descendant sur les berges pour achever les blessés que le courant n’a pas emportés. Des jeunes filles, au bord du précipice, s’agrippent à leurs bourreaux qui tentent d’abuser d’elles et les entraînent dans la mort. Serpouhi, par chance, ne connaîtra pas cette fin atroce. Lors d’une halte dans un village, juste avant d’arriver aux gorges de Kemah, elle joue son va-tout. «Au moment où le convoi était prêt à repartir, tous étant occupés à faire leurs préparatifs, j’ai pris la fuite avec ma tante», explique-t-elle dans son carnet.

    Serpouhi réussit à s’évader

    Les deux évadées trouvent refuge dans un village voisin et, ne sachant pas où aller, tentent de survivre en échange de travaux de couture. Un mois plus tard, elles sont chassées et retombent entre les mains de leurs bourreaux pour être acheminées dans un nouveau convoi, à Agn (actuelle Kemaliye). Là, pour une raison obscure, les gardes séparent les catholiques des orthodoxes. Profitant de la confusion, Serpouhi s’évade à nouveau, avec une autre femme. «Au matin nous avons continué notre chemin, nous sommes arrivées près d’une maison démolie. Quand j’ai vu que nous étions assez éloignées et qu’ils ne pouvaient plus nous rattraper, nous nous sommes arrêtées. J’ai décidé d’y passer la nuit parce que je n’ose plus avancer quand la nuit tombe», raconte-t-elle dans son carnet. Malgré ses craintes, elle n’est pas reprise cette fois et parvient même à regagner les rives de la mer Noire. Elle arrive à Kirassoun (actuelle Giresun) le 25 octobre 1915. Se faisant appeler Marie et se prétendant catholique, elle est hébergée chez des notables de la ville, puis, en février 1916, dans une famille grecque qui la cache au péril de sa propre sécurité.

    En novembre 1916, alors que la pression des troupes russes se fait plus forte, les Grecs sont à leur tour la cible des attaques de la presse turque. Le mois suivant, les déportations commencent, avec leur litanie d’extorsions, de viols, de saccages. Cette fois, pour Serpouhi, il n’y a plus de refuge possible. En septembre 1917, misant le tout pour le tout, elle soudoie un marin turc qui accepte de la conduire clandestinement à Constantinople. Dans la capitale, la présence de diplomates et d’observateurs étrangers empêche les tueurs d’agir à leur guise. La jeune Arménienne en profite pour reprendre des forces mais reste inquiète quant à son avenir. «Voilà deux ans et leur haine contre nous n’a pas eu le moindre apaisement. Nous sommes les orphelins de ce monde, sans patrie, sans foyer. […] Ô mon Dieu, quand mettras-tu fin à tous ces supplices ?» confie-t-elle dans son carnet.

    Comme tous les Arméniens qui avaient pu trouver refuge en France, Serpouhi n’avait plus de patrie. Ses papiers d’identité (ci-dessus), datant de 1958, portaient toujours la mention «apatride» et un fonctionnaire avait ajouté un «e» à son prénom. – © Collection Anny Romand

    Le déroulement de la guerre qui tourne en défaveur de l’empire est pourtant porteur d’espoir. Les Anglais et les Français progressent en Palestine. Sur le front du Caucase, la Révolution russe de 1917 arrête les combats. La prise du pouvoir par Lénine et la signature de la «paix honteuse», le 3 mai 1918, provoque le retrait des troupes russes. L’Empire ottoman capitule le 30 octobre 1918, à Moudros. Serpouhi a 25 ans et pratiquement toute sa famille a été anéantie dans le projet génocidaire des Jeunes-Turcs. Elle a survécu aux marches de la mort, à la faim, aux violences, mais elle a perdu son mari, sa fille Aïda, et elle ne sait pas ce qu’est devenu le petit Jiraïr qu’elle a dû abandonner dans l’espoir de le sauver.

    Le miracle a eu lieu : Serpouhi retrouve son fils, Jiraïr

    Fin 1918, à Batoum, en Géorgie, un homme se présente dans un orphelinat où sont rassemblés des dizaines d’enfants grecs et arméniens. Tous leurs parents ont péri dans les massacres. Ces enfants ont suivi les troupes russes qui se repliaient vers le Caucase. L’inconnu demande qu’on lui présente les garçons dont la taille peut laisser penser qu’ils sont âgés de 8 ou 9 ans. Une fois le tri effectué, il leur présente une photographie d’un couple, en leur demandant s’ils le reconnaissent. «C’est mon père, déclare un des garçons en désignant l’homme sur le cliché. Il joue du violon. Et là, c’est ma mère, Serpouhi, qui joue du piano.» Aussi extraordinaire que cela puisse paraître, c’est bien Jiraïr qui vient d’être retrouvé. «Quand ma grand-mère a appris que des centaines d’orphelins avaient suivi les Russes lors de leur repli vers le Caucase, elle s’est prise à espérer ardemment que son fils fasse partie de ces petits rescapés, nous explique aujourd’hui Anny Romand. Elle a contacté un de ses oncles qui vivait en Russie pour lui demander de se mettre à sa recherche. Et le miracle a eu lieu…» Jiraïr retrouve sa mère à Constantinople. Et c’est avec elle qu’il embarque le 19 février 1919, sur un bateau qui les conduit d’abord au Pirée, puis à Gênes, avant de gagner Marseille.

    Dans ses bagages, Serpouhi garde précieusement son petit carnet, témoignage de son épopée. Pourtant, après avoir rejoint les dizaines de milliers de réfugiés qui se sont installés à Paris, Marseille, Valence, Aix-en-Provence ou Décines-Charpieu, dans la banlieue de Lyon, elle ne l’évoquera jamais. «Ma grand-mère parlait tout le temps du génocide, poursuit Anny Romand. Quand j’étais petite fille, j’écoutais ses souvenirs comme si c’était des histoires de Barbe Bleue. Mais pour moi, ce n’était pas réel. Inexplicablement, elle n’a jamais mentionné l’existence de ce petit carnet…»

    Génocide arménien : le journal d’une survivante des “marches de la mort "

    Serpouhi, avec sa petite-fille Anny, à Marseille, dans les années 1960. – © Ed Alcock/Myop

    La comédienne a consacré un livre au journal de son aïeule, Ma grand-mère d’Arménie (éd. Michel de Maule, 2015). Elle a également confié le précieux document au Centre national de la mémoire arménienne, à Décines-Charpieu où vivent toujours de nombreux descendants de rescapés, facilement identifiables à la terminaison de leurs noms de famille en «ian» (qui signifie «fils de» en arménien). Une initiative qui a permis d’organiser, fin 2018, une exposition émouvante («L’Odyssée de Serpouhi Hovaghian»). Remarquable mise en perspective du parcours d’une femme qui, prise dans la tourmente de l’anéantissement planifié des Arméniens de l’Empire ottoman, a su trouver les ressources pour survivre.

    Source : Cyril Guinet pour Geo.fr


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  • Nous cache-t-on quelque chose !

    FRA - NOTRE-DAME EN FEU
     La polémique finit par se calmer autour de l’incendie qui a détruit une partie de Notre Dame de Paris.  Il n’en demeure pas moins qu’un certain mystère tourne autour de la cause de ce désastre. Comme pour la terrible explosion d’AZF à Toulouse il y a quelques années on se pause des questions.Est-ce vraiment un accident selon la version officielle ou un acte criminel ?Dans le 2ème cas la popularité du Président de la République serait sérieusement touchée. 
    Or, la thèse de l’accident lui fait gagner trois points dans les sondages. (???)
    Dans ces conditions le Gouvernement a tout intérêt à en maintenir l’idée dans l’opinion. 
    On peut trouver aussi curieux qu’avant que la moindre enquête soit menée pour en déterminer les causes, les médias aient accrédité l’idée de l’accident. 
    Les versions divergent, mais il a d’abord été question d’un possible court circuit dans l’ascenseur des échafaudages situé au niveau de la flèche, puis d’un feu déclenché par un chalumeau. 
    Pourtant, les réparations se seraient effectuées avec un maximum de précautions. 
    D’autre part, le feu se serait déclaré à 18h50 alors que les ouvriers seraient partis à 17h30. 
    Et selon l’architecte François CHATILLON il y avait des détecteurs de fumée pour prévenir tout départ de feu et l’incendie semble s’être déclaré soudainement.Par contre, l’option accidentelle semble à présent battre en brèche par le fait que depuis l’incendie, des tentatives pour brûler des grosses poutres de charpente ont été faites sans le moindre résultat pour les faire bruler avec les départs de feu incriminés. 
    Or il s’avère que des poutres de 800 d’âge sont (d’après experts) plus difficiles à enflammer que des bois plus récents. 
    Même si, comme on a pu le constater, ces vieilles poutres se consument ensuite très bien. 
    Il a donc fallu plus qu’un court circuit électrique ou une faute professionnelle pour en arriver là ! Deux départs de feu, avec du carburant hautement inflammable auraient, parait-il, été nécessaire. 
    Ce qui semble tout à fait crédible.Alors dans ces circonstances qui serait le ou les coupables ? 
    Daesch n’a rien revendiqué, alors qu’au Skri lanka il a tout de suite revendiqué un acte anti chrétien. Ce qui ne veut pas dire qu’un acte terroriste ne soit pas à envisager. 
    Rien qu’en France on dénombre 1063 dégradations d’églises et de tentatives d’incendie pour l’année 2018. 
    Pas toutes à mettre sur le dos d’islamistes radicaux, car il existe aussi des sectes dites satanistes alliées à des groupuscules anarchistes qui s’en prennent volontiers à des édifices religieux. 
    Seules les mosquées sont épargnées. 
    Bizarre non ?
     Ce qui n’empêche pas, ceux qui applaudissent sur les réseaux sociaux l’horrible tragédie de Colombo, de se féliciter de ce qui vient de se produire à Notre Dame de Paris. 

    Et sur la chaine de télé Al Jazeera, très écoutée dans les banlieues, c’est la joie qui remplace nos regrets. 

    Mais quoi qu’il en soit, cette déplorable mutilation de ce merveilleux édifice national, due peut-être à un vandalisme imbécile ou criminel, vient de servir au moins, à provoquer une union nationale qu’on aimerait voir perdurer.

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  • ~~ KATZ… CRIMINEL DE GUERRE ~~

    ~~ KATZ… CRIMINEL DE GUERRE ~~

    « Et ton nom paraîtra dans la race future, aux plus cruels tyrans, une cruelle injure ! »

    Jean Racine - (« Britannicus »)

    En ce début d’année 1962, en Algérie, l’Organisation Armée Secrète était arrivée à l’apogée de sa puissance et le slogan « l’OAS frappe où elle veut, quand elle veut », n’avait jamais été aussi vrai. A Oran, elle était maîtresse de la ville. A sa tête figurait des noms prestigieux comblés de gloire et d’honneurs qui entretenaient un climat de confiance malgré le tragique de la situation…

    Le gouvernement gaulliste ne pouvant admettre pareille humiliation, avait nommé à la tête du secteur autonome d’Oran, afin de réduire cette « OAS narguante » -et pour le malheur des Oranais- le 19 février 1962, le général Joseph Katz en remplacement du général Fritsch qui refusait de pratiquer sur les membres de l’OAS cette besogne de basse police qu’était la torture. La mission de Katz : « Mettre au pas la ville sous contrôle de l’OAS ». L’Organisation était alors dirigée par les généraux Jouhaud et Gardy, le colonel Dufour, le commandant Camelin, le lieutenant de vaisseau Pierre Guillaume, Charles Micheletti et Tassou Georgopoulos.

    En bon exécutant, Katz, s'apprêtait à écraser ceux qui refusaient d'obéir aux ordres de l'Elysée et ceux qui persistaient à crier « Algérie française ! », maxime désormais classée comme « cri séditieux », ajoutant aux vertus de l'obéissance passive, une haine que même le règlement de la gendarmerie (sa garde prétorienne) ne prescrivait pas.

    Carré d'épaules, rond de ventre, aussi peu distingué que son complice d’Alger, le colonel Debrosse, outre celle de leur cruauté, on leur prêtait une certaine ressemblance : même corpulence massive, même front de taureau, même manie de traiter tout le monde de « con » ou de « bon à rien », même absence de scrupules. En somme, pour reprendre les mots de Lamartine : « Rien d’humain ne battait sous son épaisse armure ».

    Katz était un militaire républicain que De Gaulle avait cueilli à Bordeaux pour l'envoyer mater la « racaille d'Oran » (sic). Son sentiment à l'égard des Pieds Noirs était celui-ci : « Un ramassis de descendants de déportés de droit commun, de négriers qui veulent conserver leurs privilèges. ».

    Alors qu'à Alger, depuis la sanglante affaire des Barricades, on avait surnommé Debrosse : « Le sanguinaire », très vite, aux yeux des Oranais, Katz allait devenir « Le boucher ». Pour briser toute résistance, la première consigne qu'il donna à sa troupe essentiellement constituée de « gens sûrs », en l'occurrence les Gendarmes Mobiles, dits « les rouges », fut celle de tirer à vue sur tout Européen qui aurait l'audace de paraître sur une terrasse ou un balcon lors d'un bouclage. « Le feu - précisa-t-il - sera ouvert sans sommation sur les contrevenants à partir du 23 avril. De même, le feu sera ouvert, par tous les moyens y compris l'aviation, sur les éléments OAS circulant en ville. ». C'était ratifier une pratique que les « gendarmes rouges » utilisaient déjà depuis un mois...

    Les premières victimes du « boucher d’Oran » furent deux adolescentes de 14 et 16 ans : Mlles Dominiguetti et Monique Echtiron qui étendaient du linge sur leur balcon. Elles furent tuées par les gendarmes. Les projectiles d’une mitrailleuse lourde de 12/7 traversèrent la façade et fauchèrent dans leur appartement, Mme Amoignan née Dubiton, dont le père était déjà tombé sous les balles d’un terroriste du FLN, ainsi que sa petite fille, Sophie, âgée de deux ans et demi et sa sœur, Frédérique, âgée de treize ans qui, atteinte à la jambe, eut le nerf sciatique arraché et dut être amputée.

    « Il est beau qu’un soldat désobéisse à des ordres criminels » ; à l’évidence, ces « soldats » par trop zélés n’avaient pas lu Anatole France…

    Cette lutte « impitoyable et par tous les moyens », selon l'ordre donné par de Gaulle, faisait partie d'un plan mûrement concerté : IL FALLAIT ABATTRE L'ALGERIE FRANÇAISE ; il fallait aussi montrer aux masses musulmanes, longtemps hésitantes, qu'elles devaient maintenant et définitivement, opter pour le FLN dont la France était désormais l'alliée, luttant, avec ce mouvement terroriste, contre l'ennemi commun : LE FRANÇAIS D'ALGERIE ! Et cette alliance n’avait aucune limite, ne souffrait d’aucun scrupule dès lors qu’elle permettrait de venir à bout de l’OAS… Pour preuve : au mois de mai 1962, la gendarmerie « blanche » arrêta un assassin de la pire espèce, Slémani Slimane, qui reconnut avoir torturé et tué vingt-sept Européens. Il fut inculpé. Katz le fit libérer et rapportera que ce dernier « lui rendra de grands services dans les jours les plus agités ».

    S'adressant à un membre de l'Exécutif Provisoire, Katz eut ces mots terribles :

    « Donnez-moi un bataillon de l’A.L.N. et je réduirai l’O.A.S. à Oran ». Ces propos, monstrueux et inqualifiables de la part d'un officier français firent l'objet d'une question à l'assemblée Nationale (J.O. du 8 mai 1962 - page 977).

    Ce « bataillon de l’ALN », Katz allait néanmoins se le procurer –avec l’assentiment discret de l’Elysée- en procédant au recrutement de la plus immonde espèce d’assassins qu’il eût été donné de voir…

    Ce renfort était constitué par les « martiens », ces révolutionnaires du mois de mars, qui, le cessez-le-feu prononcé, venaient sans danger rejoindre les rebelles. Ils étaient les combattants de la dernière heure, impatients de fêter dans le sang leur baptême de « libérateurs » et de se parer d’états de service de pillages et de tueries à faire pâlir le plus chevronné des assassins. Leur unique but était de se faire valoir et, surtout, de faire oublier qu’ils s’étaient abstenus de combattre durant sept années, attendant de connaître l’issue des armes pour se ranger du côté du vainqueur. De ce fait, ils étaient devenus les plus sanguinaires : exactions, tortures, viols, massacres d’Européens et de harkis se multipliaient, mais on n’en parlait pas. Leurs bandes anarchiques allaient être à l’origine du pogrom anti européen du 5 juillet 1962 à Oran qui fit plusieurs milliers de victimes… mais dont on taira le nombre exact.

    La fraternisation entre Gardes Mobiles et FLN était sans retenue : le soir, les premiers étaient généreusement pourvus en prostituées envoyées par les seconds. On ne peut, dès lors, s'étonner de l'attitude passive qui fut celle de Katz et de ses gendarmes lors de la tuerie du 5 juillet… Sur ce point, rappelons cette anecdote impliquant un officier français musulman, le lieutenant Rabah Kheliff qui commandait la 4e compagnie du 30e BCP (Bataillon de Chasseurs Portés). Le 5 juillet 1962, celui-ci, apprenant que des civils européens étaient regroupés en divers points de la ville d’Oran dans l’attente d’être exécutés, décida de passer outre les ordres de Katz de ne pas intervenir et de se porter à leur secours. Il prévint par téléphone son colonel, qui répondit : « Faites selon votre conscience, quant à moi je ne vous ai rien dit ».

    À la tête de la moitié de sa compagnie, le lieutenant Kheliff gagna un des points de regroupement, devant la préfecture. « Il y avait là une section de l’ALN, des camions de l’ALN et des colonnes de femmes, d’enfants et de vieillards européens dont je ne voyais pas le bout. Plusieurs centaines, en colonnes par trois ou quatre, qui attendaient là avant de se faire zigouiller » rapportera t-il. Le lieutenant Kheliff exigea et obtint du préfet, Souiyah El Houari, leur libération. S’étant quelque peu éloigné de son détachement, il fut lui-même pris à partie et blessé par des civils algériens, puis dégagé par ses hommes, à qui il interdit d’ouvrir le feu. Après quoi, il établit des patrouilles sur les axes routiers menant à l’aérodrome et au port pour « arracher littéralement » des malheureux des mains de leurs agresseurs.

    A la suite de cet acte héroïque, il fut mis aux arrêts de rigueur, et convoqué par Katz qui lui adressa ces mots terribles : « Si vous n'étiez pas arabe, je vous casserais ! ».

    La « victoire » acquise, l’indépendance accordée à ses alliés, KATZ quitta Oran pour la Métropole le 13 août 1962, après avoir fait l’objet, le 4 août, d’une citation à l’ordre de l’armée comportant l’attribution de la Croix de la Valeur Militaire avec palme pour, entre autres, « avoir su rétablir et préserver avec force et dignité l’autorité légale et l’ordre public »... décoration qui lui sera remise par le Ministre des armées, Pierre Messmer. Une nouvelle étoile vint également rappeler ses « bons et loyaux services ». De Gaulle savait payer ses séides !…

    Nommé fin 63 à la tête de la 4ème Région Militaire (Bordeaux), il quitta le service armé début 1968 avec le grade de général d’armée (5 étoiles).

    Une plainte pour « complicité de crime contre l’humanité et obéissance à des ordres criminels » fut déposée le 16 octobre 1999 entre les mains du doyen des juges du Palais de Justice de Paris au nom de 47 familles des victimes du massacre du 5 juillet à Oran ainsi que du Comité VERITAS (1). Cette plainte fut déclarée irrecevable mais suivie d’une décision par le juge de non informer. Un appel de cette décision n’aura pas de suite en raison du décès du « Boucher d’Oran » intervenu le mardi 6 mars 2001 à Amélie-les-Bains (66).

    Rejeté par ses pairs, il finira ses jours, seul, et sa famille choisira de l’inhumer au cimetière de ROSAS, en Espagne.

    José CASTANO

    e-mail : joseph.castano0508@orange.fr 

    LA PHOTO DE LA HONTE !

    Gendarmes mobiles (« les rouges ») arborant le drapeau du FLN en signe de « victoire ». La honte ne se raconte pas, elle s’encaisse !

     LE BOUCHER D'ORAN

    -          « Les Justes meurent comme des chiens ; les crapules ont leur chance. C’est un monde totalitaire déserté par toute transcendance. Le Mal n’y est pas un scandale mais la règle commune » (Commandant Hélie Denoix de Saint Marc)


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  • Prudence extrême autour de l’incendie de Notre-Dame
     
    Le collectif d’auteurs qui a rédigé l’histoire de l’islamisation à la française depuis 40 ans ne pouvait pas avoir meilleure confirmation de la soumission rampante des pouvoirs médiatique et politique à l’islamisation de notre société que les réactions des pouvoirs publics face aux causes de l’incendie qui vient d’embraser la cathédrale Notre-Dame de Paris.
    Lundi 15 avril, 1h30 après le départ du feu, alors que les flammes interdisent évidemment toute enquête, un communiqué de la Préfecture déclare que « l’incendie est accidentel ».
    Le lendemain, à midi, lors de la conférence de presse du Procureur de la République, ce dernier affirme que « rien ne va dans le sens d’un acte volontaire » sans avoir peur de se contredire immédiatement en ajoutant que « les investigations vont être longues, complexes.».
     

    Ces précipitations oratoires par des autorités qui ont l’habitude de peser leurs mots pour ne pas froisser le Prince qui les a nommés ne sont évidemment pas des maladresses. 
    Elles sont simplement le signe d’immenses précautions dues à la situation explosive qui couve en France compte tenu de la politique d’immigration qui a fait du pays un « archipel » instable qui pourrait engendrer une guerre civile entre des communautés en tension, comme l’a déclaré il y a quelques mois l’ancien ministre de l’Intérieur Gérard Collomb : « Aujourd’hui on vit côte à côte…je crains que demain on vive face à face ».

    Heureusement, Monseigneur Aupetit, Archevêque de Paris, a été plus circonspect en affirmant le 16 avril à l’émission de Bourdin : « On a détruit Notre-Dame, mais on n’a pas détruit l’âme de la France ». 
    On ? Alors, en effet, comme l’a déclaré le Président de la République au soir de cette tragédie chargée de symboles : « Cette histoire c’est la nôtre et elle brûle ».
     
    Une démonstration précise
     
    L’histoire de l’islamisation à la Française rédigée par un collectif anonyme (tant il est dangereux socialement et même physiquement de heurter les forces à l’œuvre) démontre par des exemples précis année par année depuis 1979 jusqu’à nos jours, comment la France tend à être réduite à l’impuissance et à devenir muette… comme aurait dit le sapeur Camembert !

    Exemples

    1979, le quotidien Libération, par la prose lyrique de Marc Kravetz, ancien leader de mai 68, relate avec emphase « l’insurrection victorieuse à Téhéran (…) ou le cri de la guerre sainte retrouvait, dans la nuit, brisé de loin en loin par les rafales de fusils-mitrailleurs, son énergie libératrice.». 
    Viennent faire chœur avec lui les Sartre et les July qui tombent en pâmoison.
    Quant à Michel Foucault, professeur au Collège de France, il n’hésite pas à affirmer que contrairement au catholicisme, « l’islam, cette année 1978, n’a pas été l’opium du peuple, justement parce qu’il a été l’esprit d’un monde sans esprit.» 
    Cette prise de position idéologique est bien sûr motivée par son opposition à la volonté du shah « d’ouvrir son pays par la laïcisation et l’industrialisation » et sa « tentative de moderniser à l’européenne des pays islamiques ».
    Par ailleurs, le journal Le Monde n’est pas en reste dans son parti pris pro-islam, lui qui a pris l’habitude depuis la guerre civile au Liban en 1975, de rendre compte du conflit en opposant « islamo-progressistes » et « chrétiens conservateurs ».
     
    1980le Conseil d’Etat, dans son arrêt Montcho du 11 juillet 1980, admet la polygamie pour un diplomate béninois en arguant que « la vie familiale normale d’un musulman consiste à respecter les obligations d’entretien et surtout d’équité entre ses femmes.». 
    Il impose aussi aux caisses de sécurité sociale et d’allocations familiales de reconnaître les enfants des deuxième, troisième ou quatrième épouses d’un immigrant.
     
    2017, 16 mois après l’attentat terroriste islamiste du Bataclan, l’attitude soumise des pouvoirs publics vis-à-vis de l’islamisme conquérant du Président turc Erdogan est patente.
    Lui qui avait déclaré en décembre 1997 dans un meeting politique, « les minarets seront nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées nos casernes et les croyants nos soldats », voit son ministre des affaires étrangères être autorisé par Jean-Marc Ayrault à tenir une réunion politique en France, alors que les Pays bas et l’Allemagne s’y étaient opposés : « Il est indispensable de faire preuve de responsabilité et d’éviter les polémiques inutiles.».

    Le Grand Renoncement des « élites »

    L’histoire de l’islamisation à la française, c’est quarante chapitres, décrivant rigoureusement l’esprit d’abandon qui règne dans une large partie de la société française, propos et décisions à l’appui, année après année depuis 1979, et à chaque fois autour d’un thème éclairant. 
    On constate que les « élites » politiques et médiatiques ont renoncé à défendre les intérêts des français, encourageant ainsi les demandes identitaires toujours plus exigeantes des populations issues d’une immigration non contrôlée et non assimilée, fédérées autour de la religion musulmane qui met en œuvre bien logiquement son devoir de conquête inscrit dans le Coran, afin de faire triompher son Dieu, sa communauté et ses préceptes de vie.
    Pourquoi un tel abandon?
    Par vengeance idéologique d’une gauche ayant renoncé devant ses échecs à construire une nouvelle société et s’acharnant en conséquence à détruire celle qui subsiste et à dissoudre la Nation qui en est sa charpente.
    Par faiblesse d’une droite parlementaire tétanisée par le politiquement correct et encouragée par un capitalisme industriel et financier profitant d’une main d’œuvre bon marché et d’un éclatement des valeurs traditionnelles au bénéfice de la seule obsession d’une consommation boulimique et mortifère.
    Par inconscience ?

    Dans ce cas, l’Histoire de l’islamisation à la française, en énonçant par le menu une bien triste et pernicieuse recette, leur ouvrira peut être les yeux.
     
    Histoire de l’islamisation à la française 1979-2019, collectif, édition de l’Artilleur, mars 2019.
     
    Pierre Lours
    22/04/2019
    Source : Correspondance Polémia

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