Il y a deux ans jour pour jour, le 15 août 2021, les talibans reprenaient Kaboul. Alors qu'ils promettaient, au départ, de conserver un semblant de liberté pour les femmes afghanes, les fondamentalistes islamistes ont peu à peu rétabli le régime de terreur mis en place entre 1996 et 2001.
Ils n'ont évidemment changé en rien. Le 15 août 2021, les talibans reprennent la ville de Kaboul, en Afghanistan. Alors que la communauté internationale s’inquiète des dérives que leur prise de pouvoir pourrait entraîner pour la population du pays, notamment pour les femmes, les fondamentalistes islamistes se veulent rassurants. « En matière d'expérience, de maturité, de vision, il y a une différence énorme chez nous par rapport à il y a 20 ans », tente même leur porte-parole Zabihullah Mujahid, lors d'une conférence de presse, en référence au régime de la terreur mis en place dans le pays entre 1996 et 2001.
Quelques semaines plus tard, à Doha, le bureau politique des talibans en rajoute même une couche, indiquant que les femmes ont le droit à l’éducation, de travailler, de choisir ce qu’elles portent – sous réserve de porter un hijab – et promettent la formation d’un « nouveau gouvernement islamique inclusif ». Des promesses qui n’engagent que ceux qui y croient. Dès septembre 2021, les fondamentalistes islamiques annoncent que les femmes ne peuvent désormais plus fréquenter les universités, sauf si ces dernières disposent d'entrées et de salles de classe séparées selon le sexe. De surcroît, les hommes ne peuvent plus enseigner aux quelques femmes ayant encore accès à la fac.
FERMETURE DES ÉCOLES
Six mois plus tard, le 23 mars, les écoles secondaires pour filles, censées rouvrir, restent portes closes. Des centaines de milliers de filles et de jeunes femmes afghanes sont alors purement et simplement privées de toute possibilité de suivre une scolarité. Divers membres du pouvoir taliban déclarent qu'il n'y a pas assez d'enseignants ou d'argent et assurent que les écoles rouvriront une fois qu'un programme d'enseignement islamique aura été élaboré.
Comme si cela ne suffisait pas, le 7 mai, le chef suprême des talibans, Haibatullah Akhundzada, ordonne aux femmes de se couvrir entièrement en public, y compris le visage, et de rester principalement à la maison. « Les femmes qui ne sont ni trop jeunes ni trop vieilles devraient voiler leur visage quand elles font face à un homme qui n'est pas membre de leur famille », détaille le décret. Il est également interdit aux femmes de voyager dans les villes sans être accompagnées d’un homme. Il faut dire que pour les talibans, en règle générale, les femmes ne doivent quitter leur domicile qu'en cas d'absolue nécessité.
Selon l'Unesco, 2,5 millions de filles et de jeunes femmes afghanes d’âge scolaire ne sont pas scolarisées, soit 80 %. En Afghanistan, près de 30 % des filles n’ont jamais fréquenté l’enseignement primaire. En dépit des risques, et parce que la soif d'apprendre reste intacte, des écoles clandestines ont rapidement vu le jour à travers tout le pays, souvent dans les pièces de maisons privées ordinaires.
FIN DES LIEUX PUBLICS
L'instruction n'est pas le seul espace public dont les femmes ont été évincées. Il est ainsi interdit aux femmes d'entrer dans les parcs, les fêtes foraines, les gymnases et les bains publics. Jusqu'ici des horaires et jours différenciés avaient été instaurés pour qu'hommes et femmes ne se croisent pas. « Dans de nombreux endroits, les règles ont été violées », explique le porte-parole du ministère de la Promotion de la vertu et de la Prévention du vice, Mohammad Akif Sadeq Mohajir. « Il y avait une mixité et le hijab n'était pas respecté. C'est pourquoi une telle décision a été prise pour le moment », ajoute-t-il.
La répression a pris des formes plus dramatiques encore. Les talibans n'ont pas attendu longtemps après leur retour au pouvoir pour procéder à leur première exécution publique : celle d'un meurtrier condamné et abattu à la kalachnikov le 7 décembre 2022 par le père de sa victime dans la province occidentale de Farah. Le lendemain, plus de 1 000 personnes assistent à la flagellation de 27 Afghans, dont des femmes, à Charikar, dans la province centrale de Parwan, pour une série d'infractions au droit local, allant de la sodomie et de l'adultère à la contrefaçon et à la débauche. Des flagellations en public ont depuis été régulièrement pratiquées dans d'autres provinces.
ONG, SALONS DE BEAUTÉ…
Le 21 décembre, des gardes armés empêchent encore des centaines de jeunes femmes d'entrer dans les campus universitaires. La veille, un communiqué laconique du ministre de l'Enseignement supérieur a annoncé un arrêté « suspendant l'éducation des femmes jusqu'à nouvel ordre ». Aucune explication n'a été fournie pour le moment pour justifier cette décision. Cette nouvelle interdiction intervient moins de trois mois après que des milliers de filles et de femmes ont passé les examens d'entrée à l'université dans tout le pays. Nombre d'entre elles aspiraient à choisir entre des carrières d'ingénieur ou de médecin, bien que privées d'accès aux écoles secondaires. Le même mois, ce sont des organigrammes des organisations non gouvernementales (ONG) que les Afghanes disparaissent. Les talibans affirment alors que les femmes dans les associations ne respectaient pas un code vestimentaire approprié, notamment le port du hijab.